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jeudi 8 novembre 2012

Maroc: mort de « Mama Assia ».



 Drôle de surnom donné à un juge. Et pourtant c’est ainsi que les délinquants mineurs appellent Assia El Oudia juge en charge de l’insertion et du suivi  des délinquants mineurs. Ce surnom doit compenser certainement chez les jeunes détenus des mères qu’ils  n’ont jamais eu  car la mot « mama » en dialecte arabe marocain signifie maman. Ces jeunes délinquants abandonnés souvent à eux même  et dont les mères biologiques sont ou bien des mères indignes  mais surtout  empêchés de remplir leur rôle de mère par indigence, pauvreté ou abandon. Souvent ce sont des  enfants des rues.
  
Pour Assia El Ouadie  ils  ne sont pas des anges, mais ce ne sont pas des monstres non plus. Ils sont le symptôme ou les failles de notre éducation ! Les plus jeunes parmi eux n'ont même pas quatorze ans. C’est pour cela qu’elle a  milité et obtenu  la séparation de ces adolescents des adultes et leur mise dans des centres  spécialisés. De ces centres dont elle s’occupe elle dit "Je ne veux pas qu'ils pensent à ce qu'ils ont vécu. Les souvenirs sont mortels. Ils mènent souvent aux tentatives de suicide…Je suis convaincue qu'ils ne sont pas des criminels. Ils ont commis des erreurs, c'est vrai…Mais cela arrive à nous tous…Le plus important c'est de se ressaisir tant qu'il est possible de le faire, et dans leurs cas, c’est possible puisqu’ils ne sont que des enfants". C’est pour cela qu’elle a milité  et obtenu la création d’ateliers de formation grâce à la fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus des centres de réforme dont elle est le pivot.
 Assia El Ouadie était magistrat au parquet du tribunal de première instance de Casablanca entre 1971 et 1980. Après une formation de perfectionnement  à l'Ecole nationale de la Magistrature à Paris (1980-1981), elle  avait intégré le barreau de Settat (1981-1984) et rejoint ensuite celui  de Casablanca  jusqu'à 2000, date à laquelle elle avait réintégré la magistrature au sein de l'Administration pénitentiaire où elle s'occupait des Centres de réforme et rééducation pour jeunes mineurs .
Elle a crée et préside l'Association
Mama Assia des amis des centres de réforme et  était également membre de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus  (présidée par le Roi) et a milité pour la création de centres de formation professionnelles qu’elle n’hésitait pas à présentait au Roi à chaque fois qu’il rendit visite aux centres de détention. Bravant souvent le protocole qui organise ces visites  elle n’hésitait pas à présenter  au Roi des détenus qui ont réussi à des diplômes universitaires ou professionnelles.
Elle était en outre cofondatrice, en 1999, de l'Observatoire des prisons, membre de  l'Organisation marocaine des droits de l'Homme, du Conseil consultatif des droits de l'Homme, de l'Association du centre d'écoute et d'orientation pour femmes battues.  Elle était sur  beaucoup de fronts, avec une conviction jamais exempte de chaleur humaine, de compassion et d’engagement sans être jamais grisé par le pouvoir.
Dans sa  lettre de condoléance  adressée à sa famille le Roi « rappelle les qualités humaines de la défunte et sa défense des droits des enfants et des jeunes, et en particulier des droits des pensionnaires des Centres de réforme, de rééducation et de réinsertion, soulignant que la regrettée a consacré sa vie pour servir leurs causes et s'est efforcée de leur assurer soutien et protection, que ce soit en tant que membre de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus ou au sein des différentes organisations de la société civile dans lesquelles elle était un membre actif, ce qui lui a permis de jouir de l'estime de tous. »
 Mais d’où  lui venaient donc ce militantisme et ce punch pour être au service des autres  accompagné de ce désintérêt du pouvoir. Une première explication est donnée par son frère Salah El Ouadie mais renvoie à une explication plutôt génétique.
En effet dans une  lettre poétique récente émouvante à l’attention de  à sa sœur alors qu’elle était hospitalisée dans un état très grave et  publiée  dans un journal marocain  sur un site internet en arabe le 28/09/2012 ;  Assia… ce corps frêle qui aplatit les montagnes.  son frère Salah  lui  rappelle  qu’a dix ans elle rentrait  à la maison pour  chercher  des chaussures pour une petite qui greloter de froid trouvé sur le chemin de l’école : qu’a six ans dans un hammam, elle a crié au visage d’une femme qui molestait durement sa «  petite bonne »ce qui lui a valu le foudre de cette dame et qu’enfin plus récemment dans une prison elle n’a pas  hésité à envoyer balader un élu local  lequel  est venu en commission et à des fins électorales  apporter des effets aux prisonniers et  en faisait trop.  
J’invite les lecteurs arabophones d’Agora à lire cette lettre écrite avec des larmes ; elle est d’une intensité et d’une beauté inouïes. Mais l’explication de l’altruisme de Mama Assia est plutôt d’ordre génétique.   
     S’agissant du père Mohamed Wadii Al Assafi poéte et grand militant  mort en 2004 à l’âge de 81 ans ; il  a connu la prison pendant le protectorat mais aussi après l’indépendance du Maroc. Pendant le protectorat emprisonné plusieurs fois à cause de sa lutte pour l’indépendance du Maroc et ce en 1944   ( présentation du manifeste de l’Indépendance).En  1951 il est de nouveau emprisonné au cours des manifestations organisées après l'assassinat du syndicaliste tunisien Ferhat Hachad, 1953  puis en 1953 à l’issu de l’exil forcé du roi Mohammed V.
Après l’indépendance, il créa avec des camarades dont Mehdi Ben Barka, l’USFP(parti d’opposition) et  n’a pas échappé à la répression qui s’est abattu sur ce parti puisqu’il a été enlevé tenu au secret et torturé pendant l’année1973. 
« Je garderai de lui ce mélange entre une extrême tristesse et cet esprit de l'humour. Je garderai de lui sa poésie. Une poésie qu'était toute sa vie, faite de grandes souffrances, mais aussi d'un grand et éternel espoir ».« Des valeurs qu'il m'a transmises, je garderai celle de la citoyenneté, dan son sens le plus large, et de l'amour de la patrie. Celle de remplir d'abord ses obligations avant de revendiquer un quelconque droit. Celle de l'effort désintéressé ». Le tout avec la transcendance de tout conflit d'ordre personnel. Il défendait des valeurs et non pas des intérêts. « Il était d'un désintéressement qui allait jusqu'à s'approcher du mysticisme. Elle m'a appris l'amour de la vie, de la musique, du partage et du don de soi. Et je sais que je ne suis pas la seule à avoir été son élève ».
Il y a aussi la mère de Mama Assia  Touria  à l’âge de dix-sept ans elle est aux coté de son mari militant pour la liberté et l’indépendance du Maroc. Celui- ci est poursuivi  et poursuivi par les autorités coloniales et mis en prison. La lutte de son mari va devenir la sienne ce qui l’amena  au  soutien des familles des détenus politiques, manifestations, aide aux cellules secrètes de la résistance.
A l’indépendance elle fera donc partie, c’est tout naturellement de la première délégation des femmes patriotes marocaines reçues par le roi Mohammed V.  Après l’indépendance les années d’espoir mais les désillusions l’amènera encore une fois vert la lutte.
En 1973 elle verra la disparition de son mari. Elle fera le tour du Maroc pour le retrouver trouver sa trace. Or M Assafi sera tenu au secret, torturé pendant une année. Ensuite le sort n’a pas épargné cette femme  avec l’arrestation de ses trois enfants  Asma, Salah et Aziz en novembre 1974. C’est bien elle qui répondit au désarroi de son plus jeune fils (18 ans alors !) au moment d’être conduit par quatre agents des services de répression, vers l’inconnu : “Ce chemin tu l’as voulu et j’en suis fière… sache que seule la mort saura m’empêcher d’être solidaire avec toi jusqu’au bout du chemin…”
C’étaient ce qui est convenu les années de plomb au Maroc. Des militants sont kidnappés torturées Commence alors un énième voyage à travers les centres de torture, les tribunaux et les prisons. La lutte de cette génération de militants à l’intérieur des prisons, contre les conditions qui leur sont faites, sera l’occasion d’une épopée solidaire féminine inégalée dans l’histoire du Maroc. Les mères, les sœurs et les femmes des détenus inventent de nouvelles formes de lutte, affrontent frontalement l’appareil répressif, parviennent à alerter et obtenir la sympathie de l’opinion publique marocaine et étrangère. Les militants ne sont plus isolés dans leur prison ; leurs revendications sont entendues. Pour la première fois au Maroc, le statut de détenu politique est reconnu !
 En dépit de cela cette femme continue à militer au sein de l’USFP parti d’opposition à la création du quel a participé son mari et c participas à la création de sa section féminine et c’est en février 1992 qu’elle s’est atteinte.

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