En prenant
faits et causes depuis des années pour les enfants nés hors mariage et en
prenant en charge des mères célibataires (sujet tabou), Aicha Chenna est
devenue une icône dans le pays. Elle a secoué la société marocaine avec
son association « Solidarité Féminine » et a permis de
poser ce fait de société occulté non seulement au Maroc mais dans les
autres pays musulmans.
Née en 1941
à Casablanca, Aicha Chenna grandit à Marrakech. Adolescente, elle s’engage dans
sa première action de bénévolat avec la Ligue de Protection de l’Enfance.
Infermière, elle travaille ensuite en tant qu’animatrice d'Education
Sanitaire et sociale à la préfecture médicale de Casablanca.
En créant
en1985, « L’Association Solidarité Féminine »,
elle prend en charge des mères célibataires –sujet tabou et
occulté au Maroc et dans les autres pays musulmans- qui ne
bénéficient d’aucun droit. Dans son association, des mères célibataires rejetés
par leurs familles, bénéficient de formations, de cours d’alphabétisation et
d’un travail pour qu’elles puissent être indépendantes du point de vue
financier au bout de trois ans. Une chance est donc donnée à ces mères
célibataires en constant combat contre le regard d’une société traditionnelle
intolérante. Pour assister ces mères dans la vie professionnelle, plusieurs
cantines, un restaurant, un hammam, une salle de sport et un salon de coiffure
et des kiosques sont gérés par ces mères célibataires.
L'association
fait appel aux donateurs à hauteur de 50% de ses besoins, l'autre moitié est
couverte par ses activités. L’association assure l'alphabétisation et la formation des
mamans dans un secteur productif et accessible (couture, cuisine,
pâtisserie marocaine, soins de beauté secrétariat, gestion etc.....). Les
mamans perçoivent une aide financière et en nature chaque semaine :
l'association prend en charge une partie du loyer des appartements loués par
ses bénéficiaires, elle participe aussi au panier, les couches, le lait en
poudre pour bébé. Le but n'est pas de prendre en charge en totalité les besoins
de la Maman, mais surtout de l'aider à avoir une certaine autonomie pour garder
son enfant dans les meilleures conditions.
En effet,
l'association assure un service traiteur. Au même moment ou elles sont formées,
les Mamans assurent une partie de la production qui est destinée à la vente.
En créant
« Solidarité féminine », Aicha Chenna a d’ailleurs dû faire face
a bien des résistances et autant de menaces ! « J’ai été taxée dès le
départ d’être une femme qui encourage la prostitution », rappelle-elle. En
2000, elle passe sur Al Jazzera. Une interview durant laquelle,
elle parle entre autres, de mères célibataires. Elle est immédiatement condamnée par des islamistes et menacée de mort.
Lors de
son un entretien accordé au site emarrakech.info , elle revient sur son engagement
avec et la création de Solidarité féminine.
« Solidarité
féminine " est le fruit d’une révolte née dans les années 70. J’étais
animatrice d’éducation sanitaire. Un jour, j’expliquais aux enfants d’un
orphelinat que s’ils n’avaient pas de parents connus, ils devaient s’aimer
comme frères et sœurs afin de donner l’amour dont tout enfant a besoin. Une
fille de 15 ans m’a dit : " Vous parlez de donner de l’amour… mais
comment vous voulez que je donne quelque chose que je n’ai pas reçu ? Je
n’ai qu’un seul sentiment en moi, c’est la haine. Alors ne me demandez pas de
donner l’impossible ". J’ai reçu cette réponse comme une gifle. A ce
moment-là, j'allais devenir mère.
Cet hiver-là, en 1974, il a fait très froid. Les mères qui venaient accoucher pouvaient abandonner leur enfant, et venaient sans affaires pour lui : on l’enveloppait dans un foulard. Cet hiver-là, de nombreux bébés sont morts de froid faute de vêtements. J’ai interpellé l’Union nationale des femmes marocaines et l’Association marocaine de planning familial. Je leur ai dit : " Les croissants, on les protège pour qu’ils restent chauds, mais des enfants meurent de froid ! ".
Le déclic, je l’ai eu après mon accouchement, en 1981. J’étais dans le bureau des assistantes sociales. Une maman donnait le sein à un bébé. Elle venait de signer l’acte d’abandon. Quand la voiture de l’orphelinat arrive, d’un coup sec, elle tire sur son sein. Le lait se met à gicler et l’enfant à hurler… Je suis sortie en pleurant. Je suis rentrée chez moi retrouver mon bébé. Je lui ai donné le sein. J’ai pensé à l’autre, qui en avait été privé, et à sa mère. Je n’ai pas dormi de la nuit. »
Cet hiver-là, en 1974, il a fait très froid. Les mères qui venaient accoucher pouvaient abandonner leur enfant, et venaient sans affaires pour lui : on l’enveloppait dans un foulard. Cet hiver-là, de nombreux bébés sont morts de froid faute de vêtements. J’ai interpellé l’Union nationale des femmes marocaines et l’Association marocaine de planning familial. Je leur ai dit : " Les croissants, on les protège pour qu’ils restent chauds, mais des enfants meurent de froid ! ".
Le déclic, je l’ai eu après mon accouchement, en 1981. J’étais dans le bureau des assistantes sociales. Une maman donnait le sein à un bébé. Elle venait de signer l’acte d’abandon. Quand la voiture de l’orphelinat arrive, d’un coup sec, elle tire sur son sein. Le lait se met à gicler et l’enfant à hurler… Je suis sortie en pleurant. Je suis rentrée chez moi retrouver mon bébé. Je lui ai donné le sein. J’ai pensé à l’autre, qui en avait été privé, et à sa mère. Je n’ai pas dormi de la nuit. »
Sur
cette vidéo Aicha Chenna explique son action, son
combat et les défis auxquels elle est confrontée et qui sont ceux de la
société marocaine et ce en dépit des avancées du nouveau code de la
famille de 2004.
Elle reçoit
de nombreux prix dont le prix l’Opus Prize (1million de
dollars) créé en 1994 par Gerry Rauenhorst, un riche homme d’affaires de
l’Etat du Minnesota, aux Etats-Unis qui récompense les initiatives sociales
alliant foi et gestion rigoureuse. Généralement, attribué à des prêtres ou des
bonnes sœurs Mme Chenna a été la première femme musulmane à l’avoir eu.
Sa notoriété
dans le pays n’étant plus à démontrer, son action présente vise à développer
son association, mais surtout faire évoluer le statut juridique des enfants nés
hors mariage comme elle l’explique si bien sur la vidéo déjà citée.
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