Ceux qui fréquentent les sites d’information algériens sont
frappés par une violence inouïe des commentaires contre le Maroc et les
marocains. Si de notre côté on s’en prend souvent aux autorités algériennes à cause du
soutien au Polisario et pour la défense de notre intégrité territoriale, le
peuple algérien n’est jamais en cause que par certains égarés mal informés car lui-même subit les affres des dirigeants algériens.
Une explication est donnée dans un article de 2009 du quotidien algérien Al Watan qui a fermé
avec TSA (autre journal algérien de
grande audience), les commentaires à ses articles aux internautes certainement à cause
de la violence des propos y compris contre les dirigeants algériens. Ci- après reproduit
l’article publié par le journal El Watan le 24 aout 2009 que j’avais repris
le même jour sur ce site http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2009/08/24/1667623_incivilites-a-l-algerienne.html.
Cet article dont l’auteur est algérien nous renseigne sur le pourquoi et le comment
de l’incivilité qui gangrène la société
algérienne.
« Comportement anarchique des citoyens et démission de l’état :
Les villes algériennes gangrénées par l’incivisme.
L’anarchie à l’algérienne n’est pas, selon des sociologues, un acte de
désobéissance comme elle n’est pas liée à la pauvreté ou à l’injustice sociale.
Le laisser-aller et les politiques désastreuses de l’État ont participé à
envenimer la situation. Les villes algériennes se sont transformées, en
quelques années, en un festival du désordre. Une ode à l’anarchie. A la rue
Hassiba Ben Bouali à Alger, comme dans n’importe quelle rue d’Algérie, les
voitures foncent sur les piétons, les jeunes lancent des propos licencieux –
presque obscènes – aux jeunes filles, les passants tentent d’esquiver les
gouttes d’eau qui dégoulinent des balcons, les badauds observent sans bouger
une rixe entre commerçants et un agent de nettoyage qui fait semblant de
balayer en feignant de ne pas voir les ordures qui s’amoncellent derrière lui.
Cette manière de vivre en dit long sur nous-mêmes. Qu’est-il arrivé aux
Algériens ? Nous posons la question à Samir, jeune habitant du quartier,
il nous explique que tout cela est « normal » et que « l’Algérie
est comme ça ».. La vie a changé, elle devient plus difficile et les
gens s’adaptent comme ils le peuvent. Le mot d’ordre c’est ‘’tag ala men tag’’,
marche ou crève », analyse-t-il. Sur le mur auquel il est adossé, il y a
l’inscription : « Attention, interdiction de pisser ».
N’y voir aucun rapport.
Les racines des comportements chaotiques remontent, d’après le
sociologue Nacer Djabi, au tout début de l’indépendance de l’Algérie lorsque
des milliers de familles se sont emparées des appartements et des villas des
anciens colons. « Il est nécessaire, dit-il, de se référer à la
relation entre l’Algérien et la ville pour comprendre ce qui se passe. Il ne
faut pas oublier que les Algériens sont entrés en ville de façon collective et
brutale pour occuper les biens vacants. Ils ont peut-être voulu prendre leur
revanche sur plus d’un siècle d’interdiction. L’Algérien est ainsi passé du
gourbi et des bidonvilles à la ville ‘européenne’ », souligne
M. Djabi. Plus de cinquante ans après l’indépendance, la relation de
l’Algérien avec la ville est restée embrouillée. « L’Algérien est
l’enfant de la culture rurale. Mais aujourd’hui, il a perdu cette culture y
compris dans les zones rurales. Il suffit d’observer la situation de nos
villages et des petites villes pour s’en convaincre. La majorité des Algériens
– hormis quelques exceptions – n’ont pas connu la ville. Ils vivaient dans les
haouchs, dans les bidonvilles. Il est nécessaire de faire un travail
pédagogique auprès des jeunes générations pour améliorer la relation de
l’Algérien avec la ville. » Le laisser-aller et les politiques
désastreuses de l’Etat ont participé à envenimer la situation.« Les
politiques de l’Etat ou les "non-politiques" ont maintenu ce système
tel quel. Les walis, les P/APC, les responsables de daïra et des sociétés de
nettoyage savent comment dépenser leur budget, mais ne savent pas comment
nettoyer et travailler à longueur d’année pour améliorer la situation. La
culture civique n’est pas la culture de nos entreprises et de nos
sociétés », a indiqué encore M. Djabi. Puis les « années du
terrorisme » ont fait le reste. « La famille s’est effondrée.
L’absence de l’Etat a favorisé le désordre surtout chez les jeunes qui
constituent la majorité dans la société algérienne », a souligné
M. Djabi.
« Le désordre, c’est l’esthétique de ce pays »
Djamel, 28 ans, employé dans une entreprise privée, dénonce les
comportements « individualistes » des Algériens. « On ne
respecte pas l’autre. Mabqaach el q’dar. Si le chauffeur ne respecte pas le
piéton et le piéton ne respecte pas la voiture, on ne s’en sortira jamais.
Aujourd’hui, les gens astiquent leurs maisons à l’intérieur, mais dès qu’ils
franchissent le seuil de la porte, ils adoptent d’autres comportements »,
se plaint-il. Il ajoute : « Les gens sont dégoûtés, karhou.
C’est sans doute ce qui explique l’individualisme primaire et le
laisser-aller. » Condamnés au « système D » pour vivre,
les jeunes se sont inventé de nouvelles règles. L’essentiel, pour eux, est de
« se mettre à l’abri » de la misère. « Moi, je
n’attendrais pas qu’on vienne me tendre la main. N’daber rassi. Je fais le
parking. Celui qui a de l’argent peut se garer ici. Celui qui n’en a pas n’a
qu’à chercher ailleurs. Personne ne vient nous offrir leur charité et nous
faisons pareil », lance-t-il cinglant. Plus qu’un phénomène qui
gangrène notre économie, l’informel est devenu un état d’esprit. La rue, ce
qu’on appelle communément « el houma », explique
M. Djabi, a changé au gré des bouleversements qu’a connus l’Algérie. « L’absence
de l’Etat combinée à l’absence de l’autorité du père ont abouti à ce résultat.
Les jeunes voient en leur père ‘’l’échec’’ surtout s’il ne s’est pas adapté au
système de débrouillardise qui est devenu une ‘’valeur’’ essentielle de la
société algérienne. Le désordre est dirigé surtout contre l’autorité du père
‘’raté’’ avant qu’il ne le soit contre l’Etat », décortique
M. Djabi. Les conséquences des comportements anarchiques peuvent être
dangereuses. Les routes d’Algérie sont parmi les plus meurtrières au monde. « L’Algérien
voit en la voiture un exutoire à toutes ses frustrations. Au volant, il croit
détenir le pouvoir », dit Saïd, chauffeur de taxi. Il ne s’offusque
plus de voir, dans les rues déjà étroites d’Alger, les voitures garées en
double file. « Le désordre c’est l’esthétique de ce pays »,
glisse-t-il .
Dans certains secteurs sensibles, comme la santé, la situation tourne au
cauchemar. Aux urgences de l’hôpital Mustapha, les patients et leurs parents
sont souvent obligés de prendre leur mal en patience. Un rien suffit pour faire
éclater une bagarre. Dimanche 23 août, la chaleur est accablante et les
patients se bousculent pour accéder à la salle de soins. « Chacun
son tour. Habbit tnawadhli el groun (tu veux me faire pousser des
cornes) », crie l’un d’entre eux. « Il n’y a aucune
organisation aux urgences. C’est l’un des plus grands hôpitaux du centre
d’Alger mais il fonctionne avec deux médecins seulement. Les patients sont mal
pris en charge. Il n’y a pas d’accueil et pas assez de brancards. La
consultation dure une demi-heure, comme s’il s’agissait d’une consultation
ordinaire alors qu’il s’agit d’urgence. Le temps de patienter, il peut être
déjà trop tard », nous dit Tahar, qui accompagne sa mère. Il ajoute, à
bout de nerfs : « A chaque bureau, nous sommes orientés vers
un autre service puis vers une autre queue. Lorsqu’on parvient au centre
d’analyses médicales, on nous dit que le médecin est absent. En tout et pour
tout, on en a pour plus de 3 heures. »
« Les Algériens en camping »
L’anarchie à l’algérienne n’est pas, souligne le sociologue Djabi, un acte
de désobéissance civile. Elle n’est pas non plus liée à la pauvreté ou à
l’injustice sociale. Ni même d’ailleurs au milieu urbain ou rural. « La
pauvreté ne justifie pas cette situation. Les nouveaux riches sont encore plus
dangereux. Dans les quartiers huppés d’Alger, il est possible de voir que les
propriétaires de grandes villas ne se gênent pas pour investir les trottoirs
sans parler du mauvais goût et de l’immensité non justifiée des constructions.
Ces catégories de personnes prennent leur revanche sur la ville, ses habitants
et son environnement », précise-t-il. Et d’ajouter : « La
pauvreté ne justifie pas tout. La réponse se trouve dans la politique de
l’urbanisme. L’Etat a construit des bâtiments de cinq étages dans des régions
désertiques qui ne manquent pas d’espace. » Les tags inscrits sur
les murs d’Alger ont valeur de cris :« el harba », « el
hedda », « el harga ». Abdenasser Djabi estime que le
désordre qui règne dans les villes est indissociable du désir des Algériens de
fuir leur pays. « Les Algériens se comportent comme s’ils étaient
de passage et qu’ils ne comptent pas rester longtemps dans leur pays et qu’ils
n’en sont même pas citoyens », souligne M. Djabi. C’est
comme si les gens étaient « en camping », nous dit Samir,
36 ans.« C’est le signe qu’on est perdus. Il n’y a plus de repères. Il
y a trop de bruit pour rien. Les gens qui sortent ne savent même pas quoi
faire. On dirait qu’ils errent sans but », analyse-t-il. Le désordre
est sans doute le « chantier présidentiel » le plus difficile
à aborder. Il nécessite une « révolution des esprits » sans
laquelle les millions de dollars n’y peuvent rien. »
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