Les
propos racistes de Nadine Morano contre l’Islam, les musulmans et les immigrés
ont eu droit à une réplique magistrale d’un professeur d’histoire-géo. Cette
lettre ouverte de M Nicolas Huguenin publiée sur son compte face book à
destination de tout public et repris sur le site Agoravox.fr est pleine
d’humanité et de sagesse et fait échos aux relents racistes et xénophobe en
France.
« LETTRE
OUVERTE À NADINE MORANO
NICOLAS
HUGUENIN•DIMANCHE 27 SEPTEMBRE 2015
Madame,
Je n'ai pas
regardé votre prestation télévisuelle hier soir. Je sortais d'un concert où de
magnifiques artistes avaient interprété des œuvres de Liszt, de Brahms et de
Chopin, et, après tant de beauté sonore, l'idée de vous entendre débiter vos
âneries avec une voix de poissonnière lepénisée me répugnait légèrement. Non,
complètement, en fait. Mais ce matin, j'ai quand même pris sur moi et j'ai
regardé huit (longues) minutes de votre intervention. Et permettez-moi de vous
dire, madame, que la maladie dont vous souffrez – dite « maladie de la bouillie
de la tête » – vous fait dire n'importe quoi.
Vous parlez
de « race blanche » et de religion, en associant l'une et l'autre. Passons sur
le fait que la « race blanche » n'existe pas, et que plus personne n'en parle
depuis que les derniers théoriciens nationaux-socialistes ont été pendus à
Nuremberg. Mais associer une religion à une couleur de peau, là, il fallait le
faire ! Les Albanais sont blancs et musulmans. Desmond Tutu est noir et
chrétien. Le pays musulman le plus peuplé du monde est l'Indonésie, habitée
par... des jaunes. Ah, c’est compliqué, hein ! D'ailleurs, si on ne peut pas
changer de couleur de peau, à part Mickael Jackson, on peut toujours sans
modifier son teint abandonner une religion ou en changer. Tenez, moi j'ai
renoncé à la mienne et je ne suis pas devenu transparent pour autant – sauf
quand j'essaie de draguer un grand brun aux yeux bleus dans un bar gay, mais
ceci est une autre histoire. Et, au passage, en affirmant que la France est «
de race blanche », vous laissez entendre que la Guadeloupe, la Martinique, la
Guyane, la Réunion et Mayotte, ce n'est pas la France. C'est bien les patriotes
en peau de lapin d'extrême-droite, ça ! Ça nous rebat les oreilles avec la
France, mais ça raye de la carte cinq départements d'un coup.
Vous
expliquez ensuite que la France a une identité judéo-chrétienne. Et là, pour
une fois, vous n'êtes pas allée assez loin – sans doute parce que vous ne
connaissez pas mieux l'histoire de la France que sa géographie. Non, madame, la
France n'est pas judéo-chrétienne. Elle est catholique. Et elle l'est parce
que, pendant mille trois cents ans, on n'a pas permis aux Français d'être autre
chose. Juifs, cathares, vaudois et protestants le savent bien. Entre 496, date
à laquelle Clovis a (selon la formule célèbre) embrassé le culte de son épouse,
et 1790-1791, date à laquelle on s'est résolu à considérer les juifs et les
protestants comme des citoyens à part entière, la religion n'a pas été une
affaire de choix personnel. Ni même collectif. Les Français n'ont pas voulu
être catholiques. Ils ont été contraints de l'être. Ce que les libéraux
appellent « la concurrence libre et non faussée » n'est appliquée, en matière
de religion, que depuis deux siècles. Le chevalier de la Barre était déjà mort.
Jean Calas aussi. Et tous ceux qu'on avait massacrés au nom de Dieu, avant eux
; rançonnés par Philippe Auguste, marqués de la rouelle par Saint Louis,
expulsés du royaume par Philippe le Bel, massacrés par toutes sortes de
croisés, immolés par l'Inquisition, trucidés par Charles IX, pourchassés par
les dragons de Louis XIV... Au passage, je trouve parfaitement dégueulasse
votre tentative minable de récupérer les Juifs et les protestants pour
alimenter votre petit commerce de la haine. Quand on sait ce qu'ils ont subi en
France pendant des siècles... Il fallait une sacrée persévérance pour ne pas
être catholique en France, alors. Heureusement, ce n'est plus le cas. Et moi,
contrairement à vous, je m'en réjouis. En laissant les Français librement
choisir leur religion, ou choisir de ne pas en avoir, on a des surprises. Et
alors ? Cela porte un beau nom, madame Morano. Cela s'appelle la liberté de
conscience.
Et c'est
enfin la troisième et dernière remarque que je voulais vous faire, madame. Vous
vous plaignez que, dans certains quartiers, on ne célèbre plus que 5 baptêmes,
là où il s'en célébrait 250 il y a encore quelques décennies. Mais la faute à
qui ? Aux musulmans, qui « envahissent » nos villes, ou aux catholiques, qui renoncent
à l'être et n'obligent plus leurs enfants à fréquenter le catéchisme ? Et vous
ne vous demandez pas pourquoi l'Église faisait fuir les fidèles ? Non ?
Vraiment, vous n'avez pas une petite idée ? Ne serait-ce pas, je ne sais pas,
moi, par exemple, parce qu'elle condamne encore les femmes qui prennent la
pilule, et les hommes qui emploient un préservatif ? Ou parce qu'il est devenu
insupportable d'affirmer, comme le font certains évêques, qu'une femme violée
qui avorte est plus coupable que son violeur ? Ou parce que ça commence à se
savoir, que certains curés tripotent les enfants de choeur dans les sacristies
? Ou parce que répéter que le mariage est un sacrement indissoluble, dans un
pays où un tiers des couples divorcent, ça fait un peu “ringard” ? Ou parce que
le double discours d'une Église riche à milliards en faveur des pauvres n'est
plus tout à fait pris au sérieux ? Ou, tout simplement, parce que la foi, dans
notre monde moderne, n'apporte plus de réponses suffisantes aux masses ? Et
d'ailleurs, rassurez-vous, les catholiques ne sont pas les seuls concernés.
Tenez, je vous parie que, dans deux ou trois générations, les musulmans de
France ne mettront pas plus souvent les pieds dans une mosquée que moi dans une
église... ou que vous dans une bibliothèque. C’est dire... Déjà, un tiers
d'entre eux ne fait plus le ramadan.
Tout cela
pour vous dire, madame, que votre vision d'une France réduite à ses seuls
habitants « de souche » est non seulement insupportable moralement, mais aussi
sacrément dépassée. Et que votre peur panique de tout changement, de toute
modernité, est pathétique. Et presque risible. « Nous avons éteint dans le ciel
des lumières qu'on ne rallumera plus », disait le député René Viviani en 1906.
Et ce n'est pas en allumant les feux d'une guerre civile que vous ferez croire
aux électeurs que vous brillez, madame. Tout le monde le sait : vous n'êtes pas
une lumière."
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