M Abdelilah
Benkirane, le chef du parti islamiste du PJD qui dirige la coalition
gouvernementale au pouvoir depuis près de quatre ans confirme dans une
interview accordée à El Jazeera au mois de mai dernier ce que tout le monde
sait au Maroc ; c’est qu’il n’exerce pas ses prérogatives constitutionnelles.
Dans cette interview voir ici, M Benkirane répète dans une sorte de fuite en
avant à qui veut l’entendre que c’est le « Roi qui dirige le pays » et que « je
ne fais que participer à faire fonctionner le pays ». Rien que ça !
Or la
réalité constitutionnelle est toute autre. En effet la nouvelle constitution de
2011 tranche avec les dispositions de l’ancienne constitution de 1996 approuvée
sous le règne de feu Hassan et qui consacrait une sorte de monarchie exécutive
dont l’essentiel du pouvoir était aux mains du Roi. De ce fait le premier
ministre disposait de pouvoirs limités. Ainsi le Roi pouvait nommer un premier
ministre (sans obligation de tenir compte des résultats des élections
législatives comme cela a été le cas après les élections de 2002 ) et les
ministres sur la proposition de ce dernier et mettre fin à leurs fonctions
(article24). Il présidait le conseil des ministres (article 25) auquel étaient
soumis les projets de loi (article 60).
Le
gouvernement (élu) était responsable devant le parlement mais aussi devant le
Roi (article 60).Le Roi nommait aux emplois civils et militaires (article 30)
sans l’obligation d’en référer au premier ministre. Le premier ministre ne
faisait qu’assurer la « coordination des activités ministérielles » (article56)
; il disposait d’après la constitution du pouvoir réglementaire mais les
décrets (instrument de ce pouvoir) étaient pris en conseil des ministres
présidé par le Roi et ses actes étaient obligatoirement contresignés par les
ministres concernés (article 63).
La nouvelle constitution institue un chef de
gouvernement qui doit être nommé « au sein du parti politique arrivé en tête
des élections des membres de la Chambre des Représentants (article 49).Il n’est
plus « responsable » devant le Roi. Il dispose du pouvoir éxecutif et dirige un
gouvernement dont les attributions sont explicitées (article 92) à savoir entre
autres l’examen des projets de loi et des décrets qui ne sont plus soumis au
conseil des ministres présidé par le Roi (article 92). Ce dernier conseil se
consacre essentiellement aux orientations générales de la politique de l’état
et à des délibérations concernant les réformes et les lois constitutionnelles
essentiellement (article 49). Le chef du gouvernement peut faire dissoudre la
chambre des représentants et nomme aux hautes fonctions civiles et pour des
fonctions sécuritaires sensibles, il propose des nominations en conseil des
ministres.
Ces attributions qui n’existaient dans la
constitution de 1996 permettent au chef du gouvernement élu, de remplir ses
fonctions, d’engager la responsabilité de son gouvernement devant la chambre
des représentants seule habilitée par une motion de censure à faire tomber le
gouvernement. Ce pouvoir était exercé aussi dans l’ancienne constitution par la
chambre des conseillers élue au suffrage indirect ce qui était une aberration.
Le Roi pouvait aussi mettre « fin aux fonctions du gouvernement à son
initiative » (article 24). Cette disposition disparait dans la nouvelle
constitution.
Or après
près de quatre ans à la tête du gouvernement M Abdelilah Benkirane fuit ses
responsabilités constitutionnelles et répète à qui veut l’entendre notamment
lors de sa dernière l’interview accordée à El Jazzera suscitée et à d’autres
organes de presse que c’est le Roi qui dirige le pays et que lui-même ne fait
que "participer au pouvoir".
Tout cela sous prétexte de ne pas entrer en conflit avec le Roi ce qui
est une aberration car c’est bien le Roi qui a approuvé et proposé la nouvelle
constitution au référendum de 2011. En réalité, il s’agit plutôt de son
incapacité à celle de son gouvernement pléthorique et inefficace - 37
ministres- plus que les gouvernements français et espagnol réunis à relever les
défis économiques et sociaux qui se posent au pays.
Il semble donc trahir l’espoir suscité par
l’avènement du parti du PJD. Beaucoup de marocains dont j'étais espéraient que
ce parti qui n’a jamais participé au gouvernement allait préparer cette
transition démocratique que le pays attendait avec la mise en œuvre des
nouvelles dispositions constitutionnelles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire