Les relations franco-marocaines qui ont traversé une période glaciale de près
d’une année avec le gel de la coopération sécuritaire et la suspension de la convention judiciaire
entre les deux pays vont pouvoir reprendre
après les réunions tenues les jeudi et
vendredi dernier à Paris entre les
ministres de la justice des deux pays et qui font suite à l’entretien téléphonique
rapporté par les organes de presse entre M Hollande et le Roi Mohammed VI en
début de semaine dernière.
C’est ainsi que d’après l’agence de presse marocaine MAP, « dans un communiqué conjoint, rendu public samedi dernier à Paris, le Maroc et la France ont annoncé être parvenus à un accord sur l'amendement de la convention d'entraide judiciaire et le rétablissement de la coopération juridique et judiciaire entre les deux pays. Cet amendement a été paraphé par le ministre de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid, et la ministre française de la Justice, Garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui se sont rencontrés les 29 et 30 janvier courant à Paris. Les deux ministres ont décidé à cet effet du rétablissement immédiat de la coopération judiciaire et juridique entre la France et le Maroc, ainsi que du retour des magistrats de liaison dans les deux pays. »
En fait, la décision du Maroc de mettre fin à la coopération
sécuritaire entre les deux pays et le gel de la convention judiciaire entre les
deux pays ont été le résultat d’après les journaux marocains
d’une série d’incidents dans lesquels des responsables marocains de haut niveau
ont été « humiliés sur le sol français ».
Il y a d’abord, la tentative d’interpellation
du Directeur General de la DST marocaine Abdellatif Hammouchi en visite
officielle en France dans le cadre de la coopération sécuritaire entre les deux
pays suite à des « plaintes pour tortures ». A cet effet, l’ambassade du Maroc à Paris cité par
l’agence MAP a donné des précisions qui
n’ont pas été reprises par la presse de l’Hexagone sur les cas de torture en
question. Que « c'est par voie de presse que cette ambassade et le DGST ont appris
l'existence de cette plainte et que sept policiers s'étaient rendus le même
jour à la résidence de l'ambassadeur du Royaume du Maroc pour notifier une
convocation émanant d'un juge d'instruction au DGST ». « Cette forte présence
policière est intervenue curieusement à un moment où le ministre de l'Intérieur
du Maroc, en visite officielle en France, était en réunion à la résidence avec
plusieurs journalistes », indique l'ambassade pour qui « cette démarche est
pour le moins inédite eu égard aux procédures de coopération judiciaires en
vigueur entre le Maroc et la France, et couramment appliquées ».
L’ambassade a déploré
que le recours au canal diplomatique «
ait été délibérément ignoré ». « Pour ce qui est des cas évoqués par la même
dépêche, ils concernent des affaires dans lesquelles la DGST, conformément à
ses attributions, n'a été nullement et de quelque manière que ce soit
concernée, note le communiqué, faisant savoir que Adil Lamtalsi, un
Franco-Marocain, avait été interpellé dans la région de Tanger le 3 octobre
2008 par la Gendarmerie royale pour avoir commandité une expédition de 1 601 kg
de chira et qu'il avait été condamné à 10 ans de prison ferme et transféré le
16 avril 2013 à la prison de Villepinte en France pour purger le reliquat de sa
peine.« Sa ligne de défense, qui reposait sur de prétendus enlèvements et
torture, n'a pas été retenue par la justice. Adil Lamtalsi est également
poursuivi en Espagne pour une opération de livraison de 500 kg de chira à
Huelva en juin 2008 et avait déjà été condamné en France, pour coups et
blessures en 1998, à 5 mois de prison », rappelle le communiqué de
l’ambassade.
Concernant le cas de
Ennama Asfari, l'ambassade précise qu'il s'agit d'un citoyen marocain, qui
purge actuellement une peine d'emprisonnement de 30 ans « pour son implication majeure dans des faits ayant occasionné, en
2010, l'assassinat de 11 éléments des forces de l'ordre (Gendarmerie royale et
Forces auxiliaires), lors du démantèlement pacifique du camp de Gdim Izik près
de la ville de Lâyoune, dont certains ont été sauvagement égorgés et leurs
dépouilles sujettes à toutes sortes de profanation ». « Cet individu avait été
interpellé par la Gendarmerie royale et jugé lors d'un procès public, qui s'est
déroulé en présence de nombreux observateurs internationaux, et suivant toutes
les garanties du procès équitable », relève le communiqué, notant que lors du
traitement judiciaire de son affaire, « il avait reconnu les faits qui lui
étaient reprochés et n'a, à aucun moment, fait état devant le juge
d'instruction et la cour des prétendus sévices qu'il aurait subis » et que « toutes les étapes de l'instruction de ce
dossier ont été menées par le Tribunal militaire. »
Le deuxième cas d’humiliation concerne
M Salaheddine Mezouar ministre marocain des affaires étrangères en
transit par l’aéroport Charles-De-Gaulle le 25/03/2014 et qui a été été obligé de subir une fouille humiliante
pour raison de sécurité -vous avez bien lu pour raison de sécurité- alors qu’il
s’agit du ministre des affaires étrangères d’un pays « ami »- et ce en dépit de
la présentation par ses soins de son passeport diplomatique et après avoir
décliné sa fonction. M Fabius a parlé à l’époque de « désagréments ».
De plus, sollicité
verbalement par M Mezouar et à titre privé pour intervenir pour faire accélérer la procédure d’obtention par
sa fille d’un titre de séjour pour travailler
en France pour le quel cette dernière remplissait les conditions requises
(diplôme, contrat de travail etc..) ; M Fabius lui répond par une lettre officielle
estampillée par le Quai d’Orsay et dont
une copie s’est retrouvée sur le net et diffusée notamment par Médiapart (dont l’authenticité
reste à vérifier cependant) dans laquelle, le ministre français précise qu’il est bien intervenu pour la fille
de M Mezouar. Une affaire privée somme toute banale se retrouve donc dans des
documents officiels du Quai d’Orsay.
L’accord de reprise de la coopération entre
les deux pays est en phase avec la densité de leurs relations. Avec 8
milliards d’euros d’échanges, la France est le premier client du Maroc et son 2ème
fournisseur. Plus d’un million de marocains vivent en France et constituent la
deuxième communauté d’émigrés dans l’hexagone après celle de l’Algérie. De leur
côté, les 30 000 étudiants marocains en France constituent la première communauté
d’étudiants étrangers. 80 000 français sont établis au Maroc et constituent
l’une des premières communautés des français à l’étranger. 37% des touristes
qui visitent le pays sont français. Le Maroc est la première destination des
investissements français sur le continent africain. Ceux-ci ont atteint 5,6
milliards d’euros sur la période 2000-2011, en notant que 36 des entreprises du
CAC 40 sont présentes au Maroc. Le nombre de filiales d’entreprises françaises
au Maroc est de 750 sociétés employant plus de 80 000 personnes. Il convient
d’y ajouter les très nombreuses sociétés marocaines dirigées par des
entrepreneurs français ou à capitaux français. En outre la coopération sécuritaire
entre les deux pays a permis de mettre
hors d’état de nuire de nombreuses cellules djihadistes.
En conclusion, la fin de la brouille entre
les deux pays ne peut faire oublier les ratés de cette coopération en matière
économique notamment au sujet de colocalisation
énoncée par le président Hollande lors de sa visite au Maroc en Avril 2013 et laquelle devait en principe se substituer à la délocalisation. L’idée est restée sans véritable programme ni
contenu pratique, bien au contraire Cela fera l’objet de mon prochain article.
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