Chaque fois que le pays traverse des
difficultés comme c’est le cas actuellement, les marocains se tournent vers
l’institution monarchique. C’est dans ce cadre que s’inscrit cet article.
Texte
En effet, le deuxième gouvernement du
Parti Justice et Développement (PJD islamiste) continue de tourner en rond une
année après sa formation alors que le pays fait face à d’importants défis
internes et externes. Déjà le premier gouvernement de M Benkirane a fait rater au pays sa transition démocratique prévue
par la constitution de 2011 et n’a pu répondre aux attentes des citoyens.
Devant la grogne sociale, les attentes de toutes sortes et les défis
extérieurs, le gouvernement actuel de M El Othmani semble lui en plus, dépassé
par les évènements et s’installe dans un attentisme avec l’expédition des
affaires courantes dangereux pour la cohésion et la stabilité du pays.
Or au titre de l’article 59 de la
constitution « …lorsque se produisent des
évènements susceptibles d’entraver la marche normale des institutions
constitutionnelles…le Roi peut déclarer l’Etat d’exception…. De ce fait,
le Roi est habilité à prendre les mesures qu’imposent la défense de l’intégrité
territoriale et le retour, dans un moindre délai, au fonctionnement normal des
institutions constitutionnelles. Le Parlement ne peut être dissous pendant
l’exercice des pouvoirs exceptionnels. Les libertés et droits fondamentaux
prévus par la présente Constitution demeurent garantis. Il est mis fin à l’état
d’exception dans les mêmes formes que sa proclamation, dès que les conditions
qui l’ont justifié n’existent plus. »
A cet effet, les conditions
objectives de décréter l’Etat d’exception prévue par l’article 59 de
la constitution me semblent réunies pour rétablir l’autorité de l’Etat, mettre
le pays véritablement au travail, répondre aux attentes sociales de la
population et permettre aux corps intermédiaires (partis politiques, syndicats,
organisations professionnelles et associations) de se réorganiser pour remplir
leur rôle de véritables corps intermédiaires qu’elles n’assurent pas
actuellement.
En effet « le fonctionnement régulier
des institutions constitutionnelles » est entaché actuellement car :
- le chef du gouvernement actuel ne semble
pas exercer la plénitude de ses pouvoirs
constitutionnels. Or si dans l’ancienne constitution de 1996 le premier
ministre était surtout chargé de « coordonner les activités des ministres »
dans la constitution de 2011, le chef de gouvernement « dirige le
gouvernement » dont les attributions sont explicitées (article 92) à
savoir entre autres l’examen des projets de loi et des décrets qui ne sont plus
soumis au conseil des ministres présidé par le Roi (article 92). Concrètement
c’est le chef de l’Exécutif.
-la crédibilité du gouvernement est
lourdement mise à mal par les derniers événements de
contestation d’Al Hoceima de Jerrada de Zagoura et un peu partout et alors que
la grogne monte contre la pauvreté, la marginalisation et l’exclusion. En
outre, la campagne actuelle sans précédent de boycott de certains produits
alimentaires et de carburant vient envenimer une situation sociale
tendue ;
- le parlement déserté est devenu un lieu
d’invectives et de procès d’intention et ne
constitue plus le réceptacle des préoccupations des citoyens. Les
retransmissions par la télévision des débats parlementaires achèvent
d’assombrir ce tableau avec un hémicycle clairsemé donnant une piètre image sur
le niveau et le sens des responsabilités des élus de la nation ;
-le bilan de la gestion notamment des
communes et des villes par les partis
politiques est désastreux dans de nombreux cas. En effet les rapports de la
Cour des Comptes et ceux de l’inspection territoriale du ministère de
l’intérieur ont montré sous de mauvais jours, de nombreux conseillers communaux
alliant l’incompétence, la mauvaise gestion à la corruption. La presse
marocaine rapporte dans le détail des affaires de corruption malversations de
toutes sortes et de mauvaises gestions. Cet état de choses dû à la cupidité de
nombreux conseillers a été rendu possible par le fait que les partis politiques
qui privilégient les notables locaux ne sont pas très regardant sur leurs
candidats. D’ailleurs, une fois élus, ces candidats devenus élus ne sont plus
encadrés par les partis politiques et ne rendent donc aucun compte à ces mêmes
partis ;
- Les derniers événements dans le
pays montrent que les corps intermédiaires (partis
politiques, syndicats, organisations professionnelles, associations et
journalistes) ne sont plus crédibles pour la population. C’est pourquoi nous
assistons de plus en plus à une confrontation directe entre le pouvoir et la
rue ;
-Dans ses différents discours, le Roi a toujours attiré l’attention sur les maux qui
gangrènent le pays : la léthargie de la classe politique appelée à
réaliser sa mue, les dysfonctionnements de l’administration, de la justice et
de l’enseignement, la pauvreté, la répartition des fruits de la croissance,
etc… sans que ces mises en garde ne soient prises en compte par le gouvernement
ou le pouvoir législatif. La dernière invite est sa demande au gouvernement, au
monde politique et à la société civile de réfléchir à un nouveau modèle de
développement. pour le pays. Appel resté jusqu’à présent sans suite
notable.
Les conditions me semblent donc
réunies pour l’institution de cet état d’exception prévu par la
constitution. L’Etat d’exception que je préconise pour une période courte de 4
ans permettrait aux corps intermédiaires de se réorganiser et de faire éclore
après de nouvelles élections à l’issu de la période d’exception, une majorité
pour gouverner le pays avec un gouvernement resserré de 15 ministres dotés de
larges compétences pas de ministres délégués ni de secrétaires d'état pour
éviter les chevauchements et les déperditions. Pendant cette période, partis
politiques, syndicats et associations qui agissent actuellement en tant que
sorte de "clubs fermés" avec les mêmes tètes ou presque doivent en
profiter pour se réorganiser, s'ouvrir sur la société et injecter du sang neuf
en s'ouvrant sur les potentialités que compte le pays. Ainsi nous aurons de
vrais corps intermédiaires qui permettront de prendre en charge les besoins et
les doléances de la population et éviter aux autorités d’être face à la rue
comme c'est souvent le cas actuellement.
Nous avons certes tous en triste
mémoire l’état d’exception décrétée par feu
Hassan2 période qui s’était caractérisée par des années de mouvements
sociaux et de répressions appelés « les années de plomb ».
Mais les conditions actuelles avec les réseaux sociaux et l’internet ont changé
la donne et ne permettent plus de reproduire de tels scénarios. Et ce n’est
nullement la reproduction de cette période noire de notre histoire que je
souhaite pour mon pays. C’est d’ailleurs pourquoi, la constitution de 2011 a
introduit une disposition essentielle qui n’existait dans les articles
similaires des constitutions qui l’ont précédé et ce pour éviter tout abus
éventuel ; à savoir que pendant la période d’exception « Les
libertés et droits fondamentaux prévus par la présente Constitution demeurent
garantis. »
Pour réussir à mon sens, ce gouvernement
doit marquer une pause dans les investissements des infrastructures pour
orienter tous les investissements vers la santé l'enseignement et la lutte
contre les précarités ou en d’autres termes le capital immatériel. La lutte
contre le chômage doit avoir comme cheval de bataille une aide massive aux
petites et moyennes entreprises qui sont le creuset des emplois dans le pays à
travers notamment des facilités pour l'obtention des crédits, des exonérations
fiscales et surtout un accompagnement.
P.-S.
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