L’âme et l’esprit de Malika Malak trônait le 07/03/2017 sur
la grande salle de conférence de la Bibiothéque
Nationale à Rabat. C’est là ou des orateurs se sont relayés pour rendre hommage
à une la grande dame de la télévision marocaine disparue une année avant et inhumée
le 08 mars 2016 : journée qui coïncidait avec la journée de la femme.
Malika Malak dont le
prénom et nom signifiaient en langue arabe reine et ange était véritablement
une reine mais aussi un ange. Une reine parce qu’elle trônait sur le journalisme
télé au Maroc et a ouvert la voie dans le pays à l’interpellation des hommes
politiques en les traitant sans ménagement en posant les questions qui fâchent.
Elle tranchait de ce fait avec des journalistes qui faisaient et font encore de
la figuration en permettant aux politiques de débiter leurs mensonges dans une
langue de bois intolérable. Elle était aussi un ange par sa beauté et sa
proximité avec les plus humbles car elle portait leurs doléances aux hommes
politiques
Abdellatif Mansour
a décrit en mars 2016 ainsi l’itinéraire de cette femme journaliste libre
et libérée et qui a porté aussi avec d’autres la question féminine dans le pays.
« Nous sommes dans les années
1990 une époque où le Maroc avait à
peine entamé sa réconciliation avec un passé douloureux ( ou années de plomb comme
les appelaient les marocains : années ou l’arbitraire était roi avec son
lot de disparitions forcées et d’emprisonnements). C’est dans ce Maroc qui se
cherchait, que Malika Malak débarqua
à la chaine de télévision 2M. Tous les chemins mènent au journalisme. La défunte y est arrivée par le Droit, dont elle a suivi le cursus, d’abord à l’université Mohammed V de Rabat, puis à Montréal. Elle devenait, de
fait, partie prenante, à partir de la
télévision, d’une mutation dans la
douleur. La plupart de ses invités,
étaient dedans, à différents degrés de
leur vécu politique et de leur stature
sur l’échiquier, au présent. Ils ne se
faisaient pas prier pour venir à une
émission amplement courue, surtout par
les leaders de l’opposition.
Par son attitude
naturelle face à la caméra, par la clarté de sa diction et par son sourire radieux, elle passait très bien à la télévision. Tout autant que par sa verve et son à propos, elle avait de la présence à l’écran. Malika Malak, qui nous a quittés lundi 7 mars 2016, était une journaliste d’envergure. Elle a marqué sa génération dans l’exercice de son métier. Ses deux émissions
successives, “Wajhoun wa hadat” et “Fil
wajiha” étaient suivies par un large
public, représentatif de toutes les
couches sociales, avec un intérêt
particulier parmi la classe politique et
l’intelligentsia.
Face à des personnalités politiques de premier plan,
comme M’hamed Boucetta du parti de l’Istiqlal ou Abderrahmane Youssoufi du parti
de l’USFP entre autres, elle n’était pas intimidée. Le ton mesuré et la formulation soignée
n’enlevaient en rien à la pertinence de son questionnement; avec l’aide,
bien volontiers, des journalistes sur le
plateau. Des intellectuels de grosse
pointure, tels Abdallah El Aroui (historien) ou Mohamed Abed El Jabr (philosophe) dont les passages à la télé
sont rarissimes, n’hésitaient pas à
répondre à l’invitation.
Sa perspicacité et l’audience de son émission ne lui
ont pas fait que des amis dans le landerneau. Driss Basri, puissant ministre de
l’Intérieur, était manifestement gêné par la teneur de ses réparties. Surtout,
lorsqu’il était concerné en personne. Il lui en a voulu pour une réponse jugée
infamante de M’hamed Boucetta à son
égard. Il a juré et réussi, dans un premier temps de l’interdire de télévision
; ce qui a valu à Malika Malak une
première traversée du désert. Rien n’étant définitif en politique, elle
est revenue au poste dans la foulée
du gouvernement d’alternance.
Malika Malak était combative, y compris face à la
maladie. Après son départ de 2M, en
janvier 2004 et une expérience pas très
réussie dans des chaînes arabes ( habit
trop étroits pour elle) elle a découvert, un peu tard, qu’elle n’avait pas de couverture médicale. Donc pas de quoi se soigner
correctement. Elle aurait été victime d’un corps étranger laissé par l’équipe
médicale d’une clinique privée où elle a
été opérée. Elle sera alors prise en charge, début janvier 2016, par S.M. Mohammed VI, d’abord à l’hôpital militaire de
Rabat, puis. Elle a résisté jusqu’au bout au mal qui la rongeait, sans jamais
se départir de son optimisme habituel, en présence de sa famille, de sa fille
unique Zaina et de ses amis. Elle avait été inhumée, le mardi 8 mars 2016, au
cimetière Achouhada de Rabat. »
Avant de mourir, elle a eu la présence d’esprit de réunir
dans un bouquin toutes ses chroniques. Les nouvelles générations de
journalistes ont ainsi de la matière pour traiter des enjeux qui se posent au
pays loin des sirènes du pouvoir mais loin de certaines voix qui commencent à
baisser les bras jusqu’à vouloir faire désespérer de l’avenir du pays.
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