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dimanche 25 septembre 2016

Maroc : entre "peste et choléra" quelle troisième voie ?




Après cinq ans de pouvoir d’un gouvernement de coalition mené par le parti islamiste Justice et Développement  PJD, les marocains sont appelés aux urnes le 7 octobre prochain pour de nouvelles élections législatives. Deux acteurs sont en lice :  le PJD qui  en l’absence d’une opposition crédible a de fortes chances de rempiler pour une deuxième législative et les partis politiques traditionnels avec un nouveau venu le Parti Authenticité et Modernité PAM. Or, ni la perspective d’une deuxième législative susceptible d’être remportée pour la PJD, ni le retour au pouvoir des partis politiques traditionnels discrédités depuis des années ou l’avènement du PAM aux méthodes contestables ne semblent enchanter les électeurs.





A son arrivé à la tête du gouvernement, le PJD promettait monts et merveilles dont un taux d’augmentation annuel du PIB de 6% mais le taux de croissance sur les cinq dernières années n’a pas dépassé 3,2% alors qu’il était de plus 4,5 % dix années auparavant. Ces résultats ont été atteints alors que la facture pétrolière a été allégée et que des dons substantiels ont été octroyés au Maroc- près de 5 milliards de dollars-par les pays du Golfe. Les maux dont souffre le pays : la pauvreté, le chômage, l’exclusion mais aussi le délabrement du système éducatif et de santé publique n’ont pas connu d’amélioration. La réforme judiciaire réclamée par les citoyens, la société civile, les investisseurs ainsi que les organisations internationales n’a pas non plus été concrétisé par ce gouvernement. Deux réformes controversées dont se targue ce gouvernement méritent cependant d’être citées : la réforme des retraites dans la fonction publique et la réforme du système de subventions.


   
 En outre, le pays n’a pas connu d’avancées notables ni sur le plan des libertés et des droits de l’homme ni sur le plan de la lutte contre la corruption qui étaient pourtant les slogans phares des campagnes de ce parti lors des précédentes élections. Par ailleurs, ayant fait de la moralisation de l’action publique le crédo de leurs actions, des scandales de toutes sortes  imputables à ces islamistes du gouvernement ont jalonnés ces cinq dernières années. A la veille des nouvelles législatives, une affaire de mœurs -somme toute banale dans un pays occidental mais réprimandée dans un pays musulman et à plus forte raison entre deux élus islamistes - fait actuellement les titres de la presse entre le chef groupe parlementaire et une jeune parlementaire.

  M Abdelilah Benkirane chef du gouvernement et  chef du parti Justice et Développement « PJD »de son côté fuit ses responsabilités constitutionnelles et répète à qui veut l’entendre notamment lors de cette l’interview accordée à El Jazzera  et à d’autres organes de presse que c’est le Roi qui dirige le pays et que lui-même ne fait que "participer au pouvoir".  Sa justification : « ne pas entrer en conflit avec le Roi » est une aberration car c’est bien le Roi qui a approuvé et proposé la nouvelle constitution au référendum de 2011. En réalité, il s’agit plutôt de son incapacité à celle de son gouvernement pléthorique et inefficace - 37 ministres-  à relever les défis économiques et sociaux qui se posent au pays.

Or aucun chef de gouvernement appelé auparavant premier ministre n’avait tant de pouvoirs constitutionnels. Car comme je l’avais déjà rappelé dans un précèdent article, la nouvelle constitution de 2011 institue pour la première fois dans l’histoire constitutionnelle du pays, un chef de gouvernement qui dispose du pouvoir exécutif et dirige un gouvernement dont les attributions sont explicitées (article 92) à savoir entre autres l’examen des projets de loi et des décrets qui ne sont plus soumis au conseil des ministres présidé par le Roi (article 92). Ce dernier conseil se consacre essentiellement aux orientations générales de la politique de l’état et à des délibérations concernant les réformes et les lois constitutionnelles essentiellement (article 49). 

Ces attributions qui n’existaient dans la constitution de 1996 permettent au chef du gouvernement élu, de remplir ses fonctions, d’engager la responsabilité de son gouvernement devant la chambre des représentants seule habilitée par une motion de censure à faire tomber le gouvernement. Ce pouvoir était exercé aussi dans l’ancienne constitution par la chambre des conseillers élue au suffrage indirect. Le Roi pouvait aussi mettre « fin aux fonctions du gouvernement à son initiative » (article 24). Cette disposition disparaît dans la nouvelle constitution.

Quand au fonds de commerce ou label commun pour tous les partis politiques islamistes, à savoir la religion musulmane, il est « verrouillé » dans la nouvelle constitution marocaine de 2011 puisque le champ religieux islamique est défini avec précision. La seule autorité habilitée à prononcer « des fatwas est le conseil des Oulémas présidé par le Roi » (artcle41). De ce fait et du statut de Amir Al Mouminine (Commandeur des Croyants) du Roi, toute dérive ou surenchère islamiste est exclue. Le chef du gouvernement de par la constitution n’a, aucune attribution en matière religieuse. Il ne peut pas non plus intervenir en matière « de droit de la famille et de l’état civil » qui sont du domaine du conseil des ministres présidé par le Roi (article 49). Il doit se consacrer exclusivement au développement économique et social du pays pour lequel il est élu. Ce qui n’a malheureusement pas été le cas avec le PJD au gouvernement. Beaucoup de marocains dont j'étais espéraient que ce parti qui n’a jamais participé au gouvernement allait préparer de ce fait, la transition démocratique que le pays attendait avec la mise en œuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles. Ce ne fut pas le cas. Échec donc du PJD sur les deux tableaux : économique et social mais aussi sur le plan constitutionnel.

 Mais la transition démocratique et le développement économique et sociale peut-elle être le fait des partis politiques traditionnels ou historiques ou par le nouveau venu « Le Parti de l’authenticité et de la modernité » ? Il semble que non pour les raisons suivantes.

 Il n’y a pas de démocratie sans démocrates, c’est bien connu. Les réformes constitutionnelles ne vont permettre au pays de sauter le pas vers une véritable monarchie parlementaire que si le personnel politique fait sa mue. Les partis politiques qui ont participé aux différents gouvernements depuis la première constitution de 1962 ont été au fil des années largement discrédité aux yeux des marocains. Si ceux ceux-ci se cachaient toujours derrière le fait que le pouvoir monarchique leur faisait de l’ombre ce qui était en partie vrai mais pourquoi donc ont-ils participé à des gouvernements dans lesquels ils n’avaient que peu ou pas de pouvoir ? La réalité c’est qu’ils pouvaient faire énormément pour leur pays et leurs concitoyens ce qui n’a été le cas qu’à de rares exceptions. Souvent l’incompétence et la mauvaise gestion de ministres issus de ces mêmes partis qui se sont succédé sur différents départements essentiels comme la santé, l’enseignement ou la justice sont derrière le retard pris par le pays.

On outre, la gestion locale notamment celles des communes pour laquelle ces partis politiques n’avaient aucune excuse est désastreuse la aussi à de rares exceptions. En effet les rapports de la Cour des Comptes et les autres organismes de contrôle ont montré sous de mauvais jours, des conseillers communaux alliant l’incompétence, la mauvaise gestion à la corruption. La presse marocaine a rapporté et rapporte dans le détail des affaires de corruption de mauvaise gestion ainsi que toutes sortes de marchandages à l’occasion des élections communales. Cet état de choses dû à la cupidité des conseillers a été rendu possible par le fait que les partis politiques ne sont pas très regardant sur leurs candidats et privilégiaient toujours les potentats locaux souvent sans scrupules.
 D ailleurs, une fois élus, ces candidats ne sont plus encadrés par les partis politiques et ne rendent aucun compte à ces mêmes partis. Les retransmissions par la télévision des débats parlementaires achèvent d’assombrir ce tableau avec un hémicycle clairsemé donnant une piètre image sur le sens de responsabilité des élus de la nation. La plupart assistent certes à la rentrée parlementaire présidée par le Roi mais disparaissent après.

Quant au nouveau venu, le PAM ce parti crée par un conseiller du Roi et qui s’en est éloigné depuis, s’est retrouvé propulsé en une année aux devants de la scène politique alors que le pays compte 33 partis politiques du fait qu’il semble disposer de moyens financiers colossaux et dont il a fait étalage lors des élections communales et régionales notamment. Ces moyens financiers sont sans commune mesure avec les moyens mis par l’état à la disposition des partis politiques. Pourtant, l’idée qui était derrière la création de ce parti était somme toute louable. Car face à la montée des islamistes et devant le délitement des partis traditionnels discrédités, la création d’un parti politique susceptible de réunir une élite à même d’élaborer un projet pour le pays était séduisante et pertinente. Sauf qu’après avoir été dirigé par M Al Hima (conseiller du Roi) et M Bakkouri (un grand technocrate) son chef actuel est un homme controversé. Élu dernièrement président de la région du Tanger-Tétouan-Al Hoceima au lieu de commencer par élaborer un programme pour le développement de cette région il s’est empressé d’organiser une réunion internationale sur la dépénalisation du cannabis pour donner en quelque sorte un gage aux cultivateurs mais aussi indirectement aux trafiquants de drogue. En outre, la proximité réelle ou supposée de ce parti avec l’entourage royal lui enlève la légitimité nécessaire pour conduire un gouvernement véritablement autonome en phase avec les dispositions constitutionnelles déjà énoncées dans cet article. 

Vu ce qui précède et en conséquence, il apparaît donc tant le PJD que les partis politiques traditionnels et le PAM  ne semblent pas à même, ni de conduire la transition démocratique espérée ni de réaliser les réformes économiques et sociales escomptées par le pays.

 Face à ce sombre tableau une lueur d’espoir semble cependant se dessiner grâce à une femme : Nabila Mounib. Qui est-elle ? Née en 1960 à Casablanca,  cette femme politique est secrétaire générale Parti socialiste unifié  depuis le 16 janvier 2012, elle a été élue chef de sa formation politique et devient la première femme marocaine  a  être élue à la tête d'un parti politique. Elle est également professeur d'endocrinologie à l'Université Hassan II de Casablanca et secrétaire régionale du Syndicat national de l'Enseignement supérieur.En 1985, elle intègre ensuite l’Organisation pour les libertés d’information et d’expression (OLIE) et l'Organisation de l'action démocratique populaire (OADP) qui devient après fusion avec d'autres formations de gauche le Parti socialiste unifié.

Lors d’une récente réunion le 22 septembre dernier face à un pourtour d’étudiants  elle a déclaré « Nous sommes face à un pouvoir supra-étatique, exercé par les institutions financières internationales et néolibérales. Le Maroc est soumis à ce système néolibéral et n’y échappera pas." « Notre projet économique, c’est un projet pour créer une compétitivité acceptable et donner envie à des entrepreneurs d’investir au Maroc. On est fier de notre Maroc stable, mais cette stabilité demeure précaire. Pour la pérenniser, il faut mettre les bases de la redistribution sociale » énonce-t-elle. « La première réforme économique est une réforme politique. Il faut ériger les fondements de l’État de droit et sortir de l’antichambre de la démocratie." « Il ne suffit pas de dire que nous prônons le multipartisme pour dire que nous avons la démocratie » poursuit-elle. Sur le volet politique, Nabila Mounib a parlé d'une « bipolarité artificielle » entre le PAM et le PJD. Selon elle, le PJD  « réactionnaire ». « Ils instrumentalisent le religieux à des fins politiques. Ils ont pour ça un terreau propice, puisqu’on a détruit l’école publique et l’espace culturel ». En face, le PAM : « On veut bien qu’on nous parle de modernisme démocratique, mais qu’est-ce qu’ils proposent pour ça ? Rien, parce qu’ils sont sortis de nulle part, dans la lignée des partis créés de toutes pièces. Ils n’ont jamais été autonomes ». « La modernité devrait commencer par moderniser la politique, donc instaurer l’État de droit, la séparation des pouvoirs, lutter contre la corruption, la rente, exiger la reddition des comptes ».

Je n’ai jamais cru dans la rhétorique de l’extrême gauche par contre le programme électoral annoncé par un Nabila Mounib suscite de l'espoir. Lire un compte rendu de ce programme. Faut-il y croire ?



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