Le 18 novembre dernier nous avons célébré au Maroc le soixantième
anniversaire de l’indépendance et le retour d‘exil de feu Mohammed V. A sa
descente d‘avion le 16 novembre 1955 il a prononcé son fameux discours qui commençait
par «Nous nous réjouissons de pouvoir annoncer la fin, du régime de tutelle et
du protectorat et l’avènement d’une ère de liberté et d’indépendance» pour dire
ensuite que «Nous
sommes passés de la bataille du petit jihad à celle du grand jihad». Le petit jihad était la lutte pour l’indépendance
du pays alors que le grand jihad annoncé était la mise en place des
institutions du Maroc moderne mais surtout le développement économique et social
du pays.
Mohammed V, grand père de Mohammed VI et père de la
nation marocaine moderne, donnait de ce fait le véritable sens du terme jihad
en Islam. Car, nulle part le Coran n’attribue-t-on au terme « jihad » le sens
de conflit armé lequel est désigné par l’expression « qital » (« combat », «
guerre »). Le sens de « jihad » a quant à lui fondamentalement à voir avec la
lutte intime qui oppose l’homme à son égo (nafs).
60 ans après et à
l’occasion des massacres odieux de Paris du 13/11/2015, le conseil
des Oulémas du Maroc seul organisme habilité à édicter des fatwas a dans une
fatwa rapportée par l’agence marocaine MAP, rappelle « ce qu’est réellement le Jihad en Islam loin du terrorisme,
de l’agression, de la terreur et du massacre d’âmes innocentes ». « Le
Conseil précise aussi que le Jihad légitime se décline en plusieurs catégories
dont les plus notables sont :
- Le Jihad contre soi-même à travers l’éducation,
l’épuration de l’âme et la préparation à assumer la responsabilité.
- Le Jihad par la pensée à travers le l’affutage et le
façonnement de l’esprit de manière à servir les intérêts de l’humanité.
- Le Jihad par l’écriture, à travers la publication
d’ouvrages utiles, la réalisation d’articles illuminant et contrant les fausses
accusations à l’encontre de l’Islam et des musulmans.
- Le Jihad par l’argent, à travers la dépense généreuse
en faveur du bien et la contribution au développement socio-économique.
Le Jihad par les armes, quant à lui, n’est un recours
qu’en cas d’extrême nécessité lorsqu’ils sont attaqués par leurs ennemis et que
toutes les voies pacifiques échouent, tient à préciser le Conseil Supérieur des
Ouléma.
Même dans ce cas de figure, poursuit la Fatwa du Conseil,
la proclamation du jihad relève du ressort exclusif du Grand Imam à qui l’Islam
a donné le droit exclusif de le proclamer, d’y appeler et de l’organiser.
L’islam ne permet, par conséquent, à aucun individu ou groupe de proclamer le
Jihad de leur propre chef.
Et de rappeler, à ce propos, que les Oulémas musulmans
ont tenu de tout temps à mettre en avant cette prérogative dans le souci de
préserver la cohésion et l’unité. »
De fait, les « prêcheurs jihadistes extémistes » se
rendent coupables d’un des glissements de sens les plus préjudiciables qui
soient à la terminologie juridique musulmane. Les arguments invoqués par ces
prédicateurs sont en effet tirés de la tradition eschatologique que l’on
appelle « fitna apocalyptique » à savoir la fréquence des situations génocidaires
de la fin des temps. « L’Envoyé d'Allah a dit : "L'Heure Suprême
n'arrivera pas avant qu'un grand combat ne soit livré entre deux grandes
troupes prêchant toutes les deux la même chose" ». S’agit-il de combattants de l’apocalypse ? Sans
aucun doute mais certainement pas des jihadistes.
Car l’assassinat d’innocents est durement sanctionné dans
le Coran et ne peut être assimilé à du jihad « Celui qui a tué un homme qui lui-même n'a
pas tué, ou qui n'a pas commis de violence sur la terre, est considéré comme
s'il avait tué tous les hommes ; et celui qui sauve un seul homme est considéré
comme s'il avait sauvé tous les hommes" (5:32). « Quiconque tue
intentionnellement un croyant, sa rétribution alors sera l'Enfer, où il demeure
éternellement. Allah est en colère contre lui, et le condamne, et lui a préparé
un châtiment terrible. "(Verset de An Nissa : 93) « Combattez dans les sentiers de Dieu ceux
qui vous combattent, et ne transgressez pas, car Dieu n’aime pas les
transgresseurs” Verset 2:190." « Allah ne vous défend pas d'être
bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus et ne vous
ont pas chassés de vos demeures. Car Allah aime les équitables. (Sourate al -
Mumtahanah, 8) ». Est-ce que le Prophète aurait pu accepter qu’au nom de
l’Islam, des « fous » se fassent sauter ou tuent des innocents qui n’ont rien
demandé, y compris des musulmans. Que par ailleurs, des lieux du culte
chrétiens et juifs soient saccagés par des meutes ignorantes qui se réclament
de lui, que des mosquées aussi soient attaquées et détruites par des groupes intégristes se
proclamant faire du jihad ?
Parler de jihad à propos des massacres commis par ces hordes
égarés déshumanisés par des gourous sans scrupules est un non-sens car il y a une
différence essentielle entre les appels au meurtre et le jihad. Les médias de l’hexagone
feraient bien de cesser de les appeler jihadistes.
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