Les marocains travaillant dans les pays du Golfe y compris
des cadres supérieurs et des sportifs de haut niveau sont confronté au système
de la « kafala » qui les place automatiquement sous la tutelle d’un « kafile » local. Cette situation
conduit à des aberrations frôlant parfois « l’esclavage » puisque les
passeports des intéressés sont retenus par le « kafile » qui peut
leur interdire de quitter le pays ou de changer de travail.
A l’origine, le terme kafala s’apparente à une tutelle ou à
une délégation d’autorité parentale qui s’applique à des enfants mineurs
abandonnés. Cette tutelle disparait avec la majorité de l’enfant. Dans les pays
du golfe, cette notion s’applique aux émigrés dans ces pays.
Des milliers de travailleurs migrants essentiellement
originaires du sous-continent indien partent pour les pays du Golfe, avec un
permis de travail, obtenu dans leur pays d’origine à travers des agences
d’embauche. Mais en vertu de la Kafala , les travailleurs doivent être
parrainés par un employeur pour pouvoir entrer dans les pays du Conseil de
Coopération du Golfe. Cette procédure qui vise à priori à prévenir l’entrée sur
leur territoire de migrants sans papiers à la recherche d’un emploi finit, en
réalité, par se retourner contre un grand nombre de travailleurs étrangers une fois en place.
En effet, l’immigré
se trouve sous la coupe du « kafile ». Ce tuteur lui retire son passeport et
lui fournit une carte de travail qui fait fonction de pièce d’identité. Il n’a
droit à aucune activité à caractère syndical ou autre visant à défendre ses
droits. Le kafile a tous les pouvoirs
sur son salarié et les deux parties ne bénéficient pas du même
traitement devant la loi du pays d’accueil.
Pour la Confédération
Syndicale Mondiale et dans un article du 29 février 2012 ; il est temps de
venir à bout du système de parrainage des pays du golfe. Ainsi, parlant des
émigrés dans les pays du golfe cet article rapporte que :
« Beaucoup d’entre
eux ignorent que le simple fait de quitter un emploi pour en chercher un autre
peut entraîner de profondes frustrations, des abus de pouvoir de la part des
patrons, voire, dans certains cas, des peines de prison.
La situation est
encore pire pour les travailleurs et travailleuses domestiques, qui se voient
confinés entre les quatre murs du domicile où ils travaillent, sans pouvoir
disposer de leur passeport, qui a généralement été confisqué par l’employeur.
De tels cas d’abus et de manipulation par les employeurs sont rarement
rapportés par des femmes, vu qu’il leur est impossible de s’échapper. Celles
qui réussissent à s’enfuir et n’ont nulle part où se réfugier se retrouvent
dépouillées de tout statut légal et seraient exploitées en tant que prostituées
ou vendues à d’autres employeurs par des intermédiaires.
D’après des
représentants syndicaux des pays du Golfe, les demandes des travailleurs
seraient rejetées ou simplement ignorées. Et comme il a été mentionné
auparavant, les employés qui soumettent des demandes finissent dans certains
cas derrière les barreaux suite à de fausses accusations déposées par
l’employeur en guise de représailles. À moins de d’abord faire appel à
l’intervention des autorités, les travailleurs et travailleuses migrants n’ont
aucune chance de débouter l’appareil judiciaire, étant dépourvus des droits de
citoyens.
Le système de parrainage est assorti d’une difficulté
supplémentaire résultant de la tendance généralisée chez les employeurs à
confisquer les passeports de leurs employés – malgré les lois en vigueur qui
condamnent cette pratique - spoliant, par-là même, ces derniers de leur liberté
de mouvement et de leur pouvoir de négociation. Même en ayant rempli les
formalités exigées, il est impossible pour les travailleurs et travailleuses
domestiques de quitter leur employeur, au risque de se convertir en sans-papiers
et d’être passible de détention et finalement de déportation. »
Etant dans une
position de soumission juridique à son « Kafile » ou tuteur, l’émigré perd
toute marge de liberté et donc sa dignité. Les contrats de travail deviennent
de simples contrats de « soumission » objets d’abus comme celui du cas des
travailleuses indiennes prisonnières.
Pour comprendre ce
phénomène, il faut remonter au système de gouvernance notamment aux Emirats
Arabe Unis et au Qatar. Selon un article publié en 2009 par la revue Hérodote
de géographie et de géopolitique.
« Au sommet de la
pyramide, un émir et sa famille ont tous les pouvoirs ; la limite entre leurs biens
personnels et les biens de l’État est très floue. Le statut de la propriété de
la terre à Dubaï ou à Doha est incertain. Aucune règle claire, seul un usage
est reconnu : en dehors des zones urbanisées, la terre appartient clairement à
l’émir ; en ville, la terre a pu être achetée ou offerte. L’émir organise donc
son territoire comme il l’entend, ce qui explique des réalisations urbaines
planifiées à l’instar d’un chef d’entreprise et dont les projets parfois
pharaoniques traduisent la toute-puissance. La population de souche est la
seule à disposer d’une citoyenneté accompagnée de ses droits et devoirs. Elle
bénéficie alors des largesses de l’émir et de sa famille qui se traduisent par
de multiples avantages économiques et sociaux, notamment de celui hérité des
règles islamiques d’adoption d’enfants, à savoir la « kafala » Tout travailleur
étranger, mais aussi toute entreprise étrangère, est ainsi sous tutelle, comme
un enfant. La « kafala » permet aux citoyens nationaux de jouir des gains d’une
entreprise implantée sur son sol (en possédant la majorité des parts capital)
ou d’exercer un pouvoir sur les travailleurs immigrés. »
Ce système de
gouvernance moyenâgeux porte donc en lui toutes sortes de dérives y compris une
sorte d’esclavage des temps modernes pour les travailleurs étrangers vivant
dans ces pays. Que ce système puisse exister est une aberration en soi, mais
que la « muerta » qui l’entoure, notamment par les organismes concernés comme
la commission des droits de l’homme de l’ONU est scandale.
Il est temps pour nos pouvoirs publics dans le cadre des
commissions mixtes nous lient à ces états de revoir cette question pour nos
compatriotes qui se trouvent dans ces pays notamment en les dotant de contrats
de travail en bonne et due forme et en leur permettant de circuler librement.
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