Le roi
Mohammed VI du Maroc a encore demandé samedi le 30/07/2011 la réouverture
des frontières terrestres de son pays avec l’Algérie fermées avant son
accession au trône et a appelé à une normalisation des relations entre Rabat et
Alger. En effet, les frontières terrestres entre les deux pays voisins du
Maghreb avaient été fermées en 1994, suite à un attentat terroriste perpétré à
Marrakech (sud du Maroc) dans lequel des touristes espagnols avaient été tués
et dont les autorités marocaines avaient imputé à l’époque la responsabilité
aux services secrets algériens. En réalité ces frontières et ce depuis
l’indépendance de l’Algérie en 1962 ont été plus fermées qu’ouvertes. Elles n’ont été ouvertes que
de 1963 à 1974 et de 1975 à 1994.
Pour le roi
‘Nous tenons à l’amorce d’une nouvelle dynamique ouverte sur le règlement de
tous les problèmes en suspens, en prélude à une normalisation totale des
relations bilatérales (…) y compris la réouverture des frontières terrestres’,
a souligné Mohammed VI, dans son discours du trône.
‘Cette
démarche exclut tout immobilisme ou ostracisme incompatible avec les liens de
bon voisinage, l’impératif d’intégration maghrébine et avec les attentes de la
communauté internationale et de notre espace régional’, a-t-il ajouté.
Réactions au
discours du Roi
La demande
du roi n’a trouvé jusqu'à présent aucun échos de la part des autorités algériennes
si l’on exclut celle de M Kassa Aissi, porte-parole du Front de libération
nationale (FLN), “Ce type de réaction intervient toujours comme des effets
d’annonce mais sans rien de concret”, a-t-il affirmé en rappelant que c’étaient
les Marocains qui avaient “décidé de fermer” la frontière terrestre commune des
deux pays.
L’accueil
réservé à cette demande du roi par la presse algérienne a été pour le moins mitigé
voire franchement hostile. “La question des frontières est perçue comme un
échappatoire aux difficultés socio-économiques du Maroc”, a
affirme le journal Liberté qui ne parle du sujet que dans ses pages
intérieures.
Pour Le Soir
d’Algérie, le même thème est souligné : “Mohammed VI ou l’obsession des
frontières”, titre-t-il aussi en page intérieure.
“Ce qui est
nouveau en revanche, c’est sa volonté affichée de régler préalablement tous les
problèmes en suspens”, relève Le Soir tout comme son confrère Liberté, et c’est
d’ailleurs la position d’Alger selon les deux quotidiens.
Quant au
Moudjahid, le journal du FLN, il se contente de publier en dernière page le
message de félicitations adressé par le président Abdelaziz Bouteflika au
souverain marocain pour le 12e anniversaire.
Par
contre le quotidien d’Oran accueille avec satisfaction le discours du roi.
En effet pour ce journal « Il n'est pas rare d'entendre en
Algérie l'argument selon lequel l'ouverture de la frontière occidentale ne
bénéficierait qu'au Maroc et se ferait au détriment de l'économie du pays.
Faut-il répondre que la frontière algéro-marocaine n'a pas été fermée de toute
éternité ? Et que le sort de l'économie algérienne ne dépend pas d'une
frontière close mais de sa capacité à produire, à créer de la richesse, à
innover et à bien former les générations montantes ? » Un peu
plus loin le journal ajoute « Mais si l'on se place dans une perspective plus
longue, le déséquilibre n'est plus aussi patent. Sur le fond, en quoi importer
de Tunisie ou du Maroc ce que nous importons de toute façon d'Europe ou d'Asie
devrait pénaliser l'économie algérienne ? ».
En fait, les
réactions de la presse algérienne résument assez bien la position d’Alger
sur cette question : l’économie algérienne n’a rien à gagner de
l’ouverture de cette frontière qui bénéficiera surtout à l’économie marocaine
en plus des problèmes au trafic de drogue.
Du coté
marocain c’est un autre son de cloche qui est avancé.
La fermeture
des frontières n’a pas entravé le développement de la région de l’orientale du
Maroc bien au contraire. En effet, les agents d’autorité (walis et gouverneurs)
qui se sont succédé sur cette région se croisaient les bras en attendant
l’ouverture des frontières. Or cette politique a bien changé depuis
l’avènement de Mohammed VI ; la région de l’orientale du Maroc fréquemment
visité par le roi (au moins une fois par an) est devenue un pôle de développement
du pays (station balnéaire de Saadia, réhabilitations urbaines, autoroute Fès
Oujda et rocade méditerranéenne-Tanger Oujda-, desserte ferroviaire Nador
Berkane, Port de Nador, Agricole de Berkane, Zones Industrielles, développement
universitaire etc…. Des projets importants sont en cours de réalisation dans la
région comme le méga projet touristique de Nador.).
Concernant
le tourisme ? Le Maroc reçoit prés de 10 millions de touristes et
prévoit d’en recevoir 20 millions en 2020.
Quand à la
contrebande et autres trafics ; ils fleurissent lorsque les frontières
sont fermées et qu’il n’y a pas de coopération sécuritaire et douanière entre
les deux pays ce qui est le cas.
C’est donc
sur le plan humain que l’ouverture de cette frontière est une nécessité pour
les deux pays qui ne peuvent plus continuer à se tourner le dos.
Pour
comprendre pourquoi cette frontière a été plus fermée qu’ouverte, il faut
rappeler que les relations tumultueuses entre les deux pays sont le fruit
d’un lourd passé qui a engendré des méfiances et des rancunes entre les
deux pays.
Le passif
historique.
En effet,
les relations tumultueuses entre Rabat et Alger ont pour objet un passif historique
perçu différemment dans les deux pays. Cette incompréhension remonte à la
colonisation de l'Algérie et la résistance menée par l'Emir Abdelkader. En
effet Moulay Abderrahmane - sultan du Maroc à l'époque- avait soutenu le chef
de la résistance algérienne l'Emir Abd el-Kader contre la colonisation
française. De ce fait, un conflit a éclaté entre l'armée français et l'armée
marocaine conduite par le Sultan Moulay Abderrahmane. Cette bataille s'est
terminée par la défaite de cette dernière à Isly (14 août 1844). Par le traité
de paix qui lui était imposé, le Sultan reconnut la présence française en
Algérie et s'engagea par conséquent à ne plus soutenir l'Emir Abdelkader lequel
après avoir mené une guérilla se rendit aux Français.
Pour les
Algériens, c'était une trahison du sultan du Maroc, mais pour les Marocains au
contraire, la bataille d'Isly qui s'est soldée pour le Maroc par la perte de
800 hommes est un signe de solidarité dont les conséquences furent lourdes pour
le pays : un tracé des frontières imposé par la France, l'affaiblissement
du Pays qui a conduit à la perte de Tétouan en 1860 au profit de l'Espagne et
un peu plus tard à la partition du Maroc entre la France et l'Espagne.
Pendant
l'occupation française de l'Algérie, la France a annexé de larges portions du territoire
marocain notamment en 1900 et 1901. A l'indépendance du Maroc, Mohammed V a
refusé l'offre de la France de restituer ces territoires en
contrepartie de ne plus héberger les combattants du FLN. Le roi Mohammed V
voyait cette proposition comme un « coup de poignard dans le dos »
des « frères algériens » et parvint séparément à un accord le 6
juillet 1961 avec le chef du Gouvernement provisoire de la République
algérienne, Ferhat Abbas.
A leur
indépendance les autorités algériennes ont refusé de discuter du sujet alors même
que lors du référendum d'indépendance en Algérie, les habitants de Tindouf
indiquaient sur leur bulletin : « OUI
à l'indépendance, mais nous sommes marocains » Ceci entraina
les deux pays dans une guerre
en 1963.
Les
conséquences de cette guerre pour les deux pays étaient lourdes. Les deux
régimes ne se sont vraiment jamais réconciliés depuis. Alger a toujours
reproché à Rabat cette guerre ce qui l'a entrainé à vouloir déstabiliser
le régime marocain de Hassan2 par opposants interposés. Cela s'est aussi
traduit par l'expulsion de 350 000 ressortissants marocains
établis en Algérie dans des conditions souvent inhumaines. Les autorités
algériennes reprochent de leur coté aux marocains d’avoir en 1973 dépossédés sans indemnisations des
algériens des terres acquis au Maroc.
Enfin la
création du Polisario au départ un mouvement de libération du Sahara sous
occupation espagnole sous l'égide du Maroc et qui va être rapidement instrumentalisé par Alger contre son voisin de
l’Est.
Le
dégel ?
Ou en sont
les relations aujourd’hui. Sur le plan humain le Maroc est la deuxiéme destination touristique préférée des
algériens en 2011 après la Turquie. Ceux ci sont obligés de prendre l’avion
cependant. Sur le plan officiel, les deux pays ont échangés des ministres en
2011. La ministre de l’énergie marocaine a visité l’Algérie et le ministre
algérien de l’agriculture le Maroc en 2011.
L'Algérie
fournira du gaz naturel au Maroc à compter du mois de
septembre, aux termes d'un accord conclu récemment.
Cet accord
prévoit la fourniture de 640 millions de mètres cubes de gaz par an à deux
centrales électriques hybrides : Aïn Beni Mathar à Jerada, près de la
frontière algérienne, et la centrale de Tahaddart, près de Tanger. Ce gaz
transitera par le gazoduc Pedro Duran Farell qui relie les champs gaziers de
Hassi R'mel à l'Espagne, via le Maroc.
A signaler
que sur le plan électrique, les deux pays sont connectés et connectés à
l’Europe via une liaison entre le Maroc et l’Espagne. Le courant donc passe la
frontière terrestre mais pas les hommes.
Sur le plan
des infrastructures, les deux pays ont préparé l’ouverture éventuelle des
frontières. Du coté marocain, l’autoroute Oujda (ville frontalière)- Fez 371 km
a été mise en service au mois de juillet de cette année. Cette liaison
connectera la ville au réseau autoroutier marocain. Par ailleurs, la rocade méditerranéenne dont le dernier
tronçon est en cours d’achèvement reliera Tanger sur l’atlantique à la ville
d’Oujda.
Du coté
algérien l'autoroute Est Ouest en cours d’achèvement
prévoit une bretelle jusqu'à la frontière algéro marocaine.
Conclusion :
Ce n’est pas
seulement une histoire d’ouverture des frontières, c’est une histoire
d’ouverture des esprits. Eponger le passé historique en le laissant aux
historiens et en gager un partenariat économique (gagnant- gagnant) est la
solution. Le rôle de la société civile et des citoyens est de s’emparer de
cette question pour faire avancer les mentalités sur ce qui rapproche les deux
pays. L’Algérie est un pays riche mais fragile économiquement. Elle importe.
75% de ses besoins, les exportations hors hydrocarbures ne représentent que 2 à
3%. Le Maroc est pauvre comparativement mais n’est pas fragile économiquement
puisque son PIB a doublé en 10 ans avec une progression annuelle de prés 5%
grâce à la diversification de son économie ; les phosphates principale
richesse du pays ne représente que le quart de ses exportations.
L’Algérie
doit s’ouvrir sur les autres pays pas seulement le Maroc pour que son secteur
privé se développe et réalise la diversification nécessaire de son
économie. Le secteur privé ne se développera pas s’il n’est pas confronté à la
concurrence étrangère. Il faut des étapes, des lois et des règlements mais
l’ouverture est une nécessité économique et il faut agir tout de suit. Des
économistes algériens ne cessent y compris sur ce site de demander l’ouverture
et la diversification de l’économie algérienne.
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