Le 10 mai 2019, la Cour de Cassation en France
a rejeté les pourvois en cassation
formulés par le Maroc concernant les rejets
des plaintes déposées auprès du
tribunal de première instance de Paris
décidant de ce fait qu’aucun Etat,
victime d’une diffamation, ne peut engager une action en justice et agir
en réparation du préjudice subis. La Cour de Cassation a annoncé de ce
fait que
l’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de
la presse ne permet en effet pas à un Etat, qui ne peut pas être assimilé à un
particulier, d’engager une poursuite en diffamation.
Les 26 févriers 2015, le Maroc, représenté par son ministre de
l’intérieur, avait porté plainte devant le tribunal correctionnel de Paris en
action de diffamation publique. Étaient ainsi en cause des propos tenus le 11
janvier 2015, sur les chaînes de télévision françaises. Le 29 décembre suivant,
représenté par son ambassadeur en France, le Maroc a déposé deux plaintes avec
constitution de partie civile du même chef, devant le tribunal de grande
instance de Paris, l’une contre un organe de presse (pourvoi pour un article
écrit sous le titre “Une nouvelle affaire marocaine ; Tu peux demander 2
millions d’euros”, dont plusieurs passages étaient jugés diffamatoires), et
l’autre contre une maison d’édition et le même ressortissant que celui visé par
la première citation pourvoi au titre d’un ouvrage écrit sous le titre “L’Homme
qui voulait parler au roi” . Étaient en cause des écrits dont plusieurs
passages étaient jugés diffamatoires.
Ayant été
déclaré irrecevable au motif qu’il ne pouvait être assimilé à un particulier au
sens de l’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté
de la presse, le Maroc a formé trois pourvois en cassation qui ont été renvoyés
devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation. La Cour de Cassation vient
donc de rejeter les pourvois pour le motif.
Il ne m’appartient
pas bien entendu de discuter sur le plan juridique une décision de justice prononcée par la plus haute juridiction
française, néanmoins des remarques peuvent être émises sur l’attitude de notre pays et les conséquences de ces arrêts pour des faits
similaires.
1-Concernant
d’abord l’attitude de notre pays elle est des plus irréprochables de la part
d’un Etat souverain et responsable. En effet victime de diffamations grossières
qui jettent du discrédit sur ses institutions, le Maroc a eu recourt comme tout
état civilisé à la justice du pays pour le rétablir dans ses droits et condamner
le ou les contrevenants. Cette attitude pleinement responsable ne semble pas
avoir été pleinement mesurée par les juges de la Cour de Cassation qui ont
rejeté la plainte pour un vice de forme discutable car pour la partie marocaine « En
droit interne (français), a rappelé la
jurisprudence selon laquelle un Etat étranger a la possibilité de se constituer
partie civile devant les juridictions françaises » Estimant que rien ne
justifie une solution différente en matière d’atteintes à l’honneur et à la
réputation, il s’était prévalu : de ce que l’action en diffamation vise
seulement à réparer l’atteinte portée à l’honneur ou à la considération de
l’Etat étranger sur le territoire français, atteinte qui est totalement
indépendante des prérogatives de puissance publique que cet Etat est amené à
exercer sur son territoire et seulement sur celui-ci.cf rapport de la
séance publique de la Cour de Cassation.
2- La
décision de la Cour de cassation française a du fait de ces trois arrêts rendu
impossible tout recours d’un état étranger victime de diffamation devant une
juridiction française. Donc en théorie on peut traîner dans la boue n’importe
quel état par de la diffamation, de fausses nouvelles et des procès d’intention
de toutes sortes sans permettre à l’Etat en cause d’avoir accès à un juge en
réparation du préjudice subis en rétablissant la réalité et l’exactitude des
faits notamment. Car si des opposants réprimés à tort dans leurs pays d’origine
et contraints à l’exile peuvent s’exprimer à juste titre et dénoncer les abus
dont ils sont victimes, d’autres personnes veulent seulement nuire pour des
raisons qui leurs sont propres ou pour des prétextes inavouables parfois ou sont manipulés par des
services étrangers.
3-Cette décision
est susceptible d’ouvrir une sorte de
boite de pandore pour des pays étrangers en France. Car le fait pour des états étrangers
de ne pas pouvoir avoir accès à la
justice, des personnes malintentionnées peuvent donc utiliser cette faille
juridique pour mener éventuellement des actions mettant en cause la réputation d'états étrangers, jetant le discrédits sur eux allant même jusqu’à des action subversives susceptible de déstabiliser des Etats souverains. Ce qui met à mal un autre principe essentiel du droit international,
le principe de la protection de l’indépendance des états et l’obligation de non-ingérence.
Ce principe de non intervention qui est le droit de tout état souverain à
conduire ses propres affaires sans ingérences étrangères est universellement
reconnu.
4- Des Etats voyous n’hésitent pas à employer des méthodes
expéditives parfois atroces en recourant notamment à des liquidation
d’opposants, à l’intimidation et aux chantages faits aux familles de ces mêmes opposants pour les
faire taire ou étouffer la moindre critique. Ce n’est pas la peine de les citer
mais mais les lecteurs connaissent les états qui recourent à ces méthodes
criminelles contre leurs opposants. La décision de justice de la Cour de Cassation
française ne risque-t-elle- pas de fournir un argument certes fallacieux à des Etats en mal d'arguments pour donner une explication à leurs forfaits du reste injustifiables ?
Pour toutes ces
raisons, et au-delà de ces arrêts qui ne peuvent certes plus être contestés, le
législateur en France est appelé tout en continuant à défendre la liberté d’expression
à permettre à des états étrangers souverains de faire prévaloir leurs droits,
tous leurs droits devant les juridictions françaises et laisser au juge en
toute indépendance la latitude de se prononcer sur le fond au lieu de rejeter
systématiquement tout recours.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire